22.02.09 | AVIDA DOLLARS, c’était le surnom anagrammesque donné en son temps par l’austère André Breton à un Salvador Dali ravi, pour fustiger chez celui-ci un goût immodéré pour l’argent. L’anagramme de l’artiste britannique Damien Hirst reste à trouver… S’il était dans la même veine, ce serait parfait.
Depuis la vente record de sa production chez Sotheby’s en septembre dernier qui le vit squeezer sans scrupule le circuit traditionnel des galeries et récolter en deux jours 139,5 millions d’euros, ce représentant triomphant des Young British Artists (YBAs) de 43 ans pète littéralement les plombs.
Rappelons que la pièce maîtresse de la vente, « Le Veau d’or » pour un jeune bovidé plongé dans du formol, s’envola pour 13 millions d’euros. Le titre était sans doute prémonitoire. Depuis, l’artiste s’efface devant le requin, autre de ses oeuvres formolées, et le businessman multiplie les coups d’éclat plus cyniques les uns que les autres.
Moins de deux mois après l’événement qui bouscula le petit monde de l’art, une bonne partie des petites mains qui réalisent avec soin les œuvres que Damien Hirst conçoit étaient tout bonnement remerciées. Plus récemment, il interdit à un documentariste jugé trop critique de simplement filmer l’une de ses expositions pour un sujet global sur le marché de l’art contemporain destiné à la BBC.
Mais l’apogée du cynisme a été atteinte quand, début décembre 2008, sur demande expresse de la star des ventes, la Design and Artists Copyright Society (DACS), société de gestion de droits d’auteur dont il est membre, chercha des noises à un dénommé Cartrain coupable d’avoir utilisé dans une série de collages vendus autour de 75€ sur la galerie en ligne 100artworks.com l’image de l’une des plus célèbres de ses œuvres « For the Love of God », crâne de platine entièrement recouvert de diamants [1].
Derrière le pseudo de Cartrain, se cachait en fait un artiste en herbe, fan de street-art et de graffs, âgé d’à peine seize ans ! Cela n’arrêta en rien Damien Hirst.
L’adolescent fut contraint de reverser ses gains de 200£ (230€) à l’artiste multimillionaire et de lui remettre les collages criminels sous peine de poursuite judiciaire. Depuis, tout en continuant à vendre sur Internet collages et pochoirs pour graffitis, Cartrain se déchaîne sur son myspace, barrant le crâne hirstien d’un rageux « Censored » ou le plaçant dans un caddie au milieu de carottes.
La concurrence sauvage que lui faisait subir ce petit morveux était certainement insupportable pour un Damien Hirst qui se lance depuis peu dans le merchandising avec l’ouverture de boutiques à Londres où sont proposés notamment des crânes en plastique... façon dit-il de mettre son art à la portée de tous.
Le plus risible est que le crâne customisé mis en vente en 2007 pour la modique somme de 100 millions de dollars sans qu’on sâche vraiment s’il avait trouvé preneur, avait lui-même fait l’objet de controverses. A son apparition publique, un ancien ami de Hirst, l’artiste John LeKay, l’accusa de plagiat et, plus largement, d’avoir pour habitude de piquer les idées des autres [2].
Depuis la mi-février, pour soutenir le jeune Cartrain et narguer un Damien Hirst devenu insupportable, le site web redragtoabull.com propose à la vente des collages signés intégrant tous le crâne-diamant, sans réaction pour l’instant de l’intéressé. A l’origine de cette fucking initiative pleine d’humour, quelques artistes adeptes du détournement artistique - l’un qualifie Hirst de « hypocritical and greedy art bully » (tyran d’art hypocrite et avide) - plaidant pour un assouplissement du copyright dans les arts visuels [3]. Parmi eux, on trouve Jamie Reid, graphiste du mouvement punk et auteur des légendaires pochettes des Sex Pistols. Damien Hirst, no futur !
[1] « Hirst demands share of artists £65 copies », THE INDEPENDENT | 09.12.08.
[2] « My old friend Damien stole my skull idea » by Dalya Alberge, THE TIMES | 27.06.07 et sur le site web de John LeKay.
[3] « God save the Damien Hirst rip-off industry ! » by Arifa Akbar, THE INDEPENDENT | 13.02.09